Le plaisir solitaire fait-il partie d'une sexualité normale, ou démontre-t-il une insatisfaction ?
La masturbation, ou auto-plaisir, est une forme de sexualité personnelle. Elle peut aussi trouver sa place au sein du couple si le désir s'en fait sentir. Elle vise au plaisir sexuel.
En 2017, un sondage Ifop révèle que 90 % des hommes se masturbent régulièrement, pour 60% de femmes.
Ces chiffres ne cessent d'augmenter depuis les premières statistiques, apparues il y a une cinquantaine d'années. En effet, en 1970, seulement 19 % de femmes mais déjà 73 % des hommes avouaient s'être adonnés à la masturbation.
Malgré l'évolution des mœurs, 45 % des femmes n'auraient jamais dit à leur partenaire qu'elles se caressent.
Si le plaisir solitaire s'est répandu au sein de la société, il est souvent mal compris, voire tabou. Beaucoup d'idées reçues autour de la masturbation ont été véhiculées jusqu'au 19ème siècle par la religion ainsi que le corps médical, prétendant par exemple qu'elle rendrait sourd, aveugle, entrainerait la tuberculose, voir la mort...
Aujourd'hui, notons qu'elle est préconisée par un certain nombre d'urologues pour régler des problématiques liées à la prostate.
Toutefois, de nombreuses questions subsistent, bien souvent à cause d'un manque d'éducation et d'information. La masturbation, ou l'auto-plaisir, est une pratique découverte à l'adolescence, comme une pratique de découverte de son corps et du plaisir.
Il est normal de se masturber même si on est en couple. La masturbation permet de mieux se connaitre, mieux gérer son plaisir, et son accès à la jouissance ; elle permet ensuite de ce fait, d'être beaucoup mieux avec l'autre.
La masturbation est-elle le signe d'une insatisfaction sexuelle ?
Non. S'il s'avère que les Françaises s'étant déjà masturbées sont plus nombreuses à ne pas être satisfaites de leur vie sexuelle (89 % pas satisfaites et 64 % très satisfaites), la comparaison avec d'autres pays montre que cette corrélation est trompeuse.
Précisément, une enquête Ifop a mis en lumière que seulement 24 % des Hollandaises sont insatisfaites de leur vie sexuelle, contre 31 % des Françaises, alors que les Hollandaises sont plus nombreuses à se masturber.
Au sein du couple, la masturbation est parfois une source d'appréhension, voire de dégoût. Le partenaire pris la main dans le panier peut être vu comme un pervers.
L'autre personne peut croire qu'elle ne comble pas ses désirs, ou avoir l'impression d'être trompée.
Pour autant, cet acte est parfaitement naturel. Ordinaire. Et surtout, non représentatif de l'épanouissement sexuel du couple.
Une personne appréciant la masturbation continuera de la pratiquer, que ce soit en couple ou célibataire, tandis que les personnes n'en raffolant pas seules... n'en raffoleront toujours pas en couple. Tout simplement.
La masturbation serait-elle la clé de l'épanouissement sexuel ?
Certains sexologues, dont Philippe Arlin, vont plus loin. Si notre affection pour la masturbation semble culturelle, s'y adonner serait une aubaine pour l'épanouissement sexuel. En effet, elle permet d'établir un rapport plus réel avec le corps, loin des préjugés et fantasmes que la culture pornographique insuffle. De là, l'onanisme (ou auto-plaisir) est une belle opportunité pour le développement d'une sexualité saine.
D'une part, il pousse à la découverte de son propre corps. Cela permet de guider plus facilement son ou sa partenaire vers ses zones érogènes favorites, et de lui expliquer comment s'y prendre. D'autre part, la masturbation peut titiller et réveiller les autres parties de la sexualité. Par exemple, elle fait surgir sans inhibition les fantasmes qui font le plus d'effet. Une fois sortis de leur cachette, ils ne demandent plus qu'à être exploités. De surcroît, l'autostimulation permet de ne pas perdre la main, et de ne pas laisser sa libido s'éteindre en période de disette.
Quelques points à surveiller
Dans la plupart des cas, la masturbation est une pratique saine. Toutefois, il arrive qu'elle pose certains problèmes, notamment via la pornographie. En effet, les films X consommés à l'excès peuvent brouiller la limite entre le réel et l'imaginaire, et perturber le développement de la sexualité. Ils peuvent aussi conduire à l'addiction du plaisir facile. Quelques clics et l'orgasme est assuré ! Cela, additionné aux angoisses de performance inoculées par l'industrie du sexe, peut amoindrir le désir de rapports sexuels à plusieurs. Dans cette situation, il peut être judicieux de consulter un spécialiste.
Par ailleurs, la masturbation au sein du couple peut provoquer des difficultés indirectes.
Par exemple, une femme découvrant que son partenaire se masturbe a souvent peur qu'il ait envie d'une autre personne ou ne soit pas comblé par la fréquence de leurs rapports. Ces inquiétudes sont également visibles chez les couples homosexuels, mais dans une plus petite mesure. Alors qu'un homme découvrant que sa partenaire se masturbe avec des sextoys peut remettre ses capacités en question. Et craindre de ne pas être à la hauteur à côté de cet objet infaillible.
Notons à cet effet, les nouveaux podcast érotiques (Voxxx) conçus plus particulièrement pour les femmes, et qui proposent des sortes de séances de masturbation guidée d'une dizaine de minutes. Pour les, de plus en plus nombreuses 'clito audiophiles', elles n'ont qu'à se laisser guider par le son de la voix et du désir, et la magie opère...
Les bénéfices de cette nouvelle pratique sont multiples, dont le retour de la libido.
Une grande majorité des femmes n'étant pas très sensibles aux films pornographiques de part leurs aspects phallocentrés, ces podcast érotiques présentent le même intérêt que les films érotiques, sans l'image, ce qui permet en plus de renforcer son imaginaire érotique, sa créativité, soit sa 'boîte à fantasmes'...
Apprendre que son ou sa partenaire se masturbe peut porter un coup au couple. Bien que, le plaisir solitaire fasse partie d'une sexualité normale, et ne démontre ni une insatisfaction ni un désir d'infidélité. Dans cette situation, la meilleure des solutions reste la communication, afin de comprendre les raisons de la masturbation et d'apaiser la personne tourmentée.
Pourtant, et heureusement, les appréhensions sont bien souvent infondées.
Elles proviennent d'un manque d'information sur les divers pans de la sexualité, et trouvent leur origine dans une honte culturelle du plaisir non reproductif, instillée par l'Église il y a plusieurs siècles, comme dit plus haut.
Sources : Futura Santé, E. Solé / Alain Héril pour 'Doctissimo'
Evelyne Roussillon sexologue, sophrologue, accompagnatrice de couples, à Gap (05).
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